Scandales. Où ? Lesquels ?


                                     Scandales. Où ? Lesquels ?

 

 

Cette sculpture en pierre sur un monument représente une horreur : un enfant terrifié, criant, tenu fermement entre les mains ou pattes de deux monstres mi-hommes mi-animaux, faunes, satyres, aux dents dévoreuses. L'enfant est sculpté très jeune, encore potelé. A t-il moins de cinq ans ? Il ne peut avoir aucune défense entre ces deux masses hideuses. Ricanantes ? Victorieuses ?
Je ne sais rien de cette représentation, ni la date, ni le lieu, ni l'intention du sculpteur. Stigmatiser un fait social, un personnage de l'époque ? Rappelons seulement le cas de Gilles de Rais (ou Retz) sur les enfants, tortures sexuelles monstrueuses et en nombre jusqu'au  meurtre, que les historiens ont tenté de comprendre : de la violence des guerres aux pulsions sexuelles incontrôlables jusqu'au sadisme, accès de  folie (psychose) ? Le personnage est historique. Les abus de ce genre sur enfants victimes existent aussi, d'excès à un degré moindre. Ils vivent parmi nous malheureusement, scandales cachés des divers abus sexuels dans les familles, les lieux d'éducation culturels, artistiques, sportifs et aussi religieux.
Le mot abus est bien faible. Il semble vouloir dire qu'il y a une ligne rouge à ne pas dépasser mais que la moyenne est acceptable. On tolère, si on ne va pas trop loin ! Il vaudrait mieux parler de perversité, de déviance, et donc de jouissance interdite. Le jouisseur est un pervers, certains le qualifieront « personnalité clivée ». Dire qu'il est un abuseur est donc bien faible, il est un déviant, s'attaquant à plus faible car il sait qu'il est devant  plus faible que lui incapable d'être à son tour attaquant ! Pas d'affrontement possible à forces si inégales, mais ruse, lâcheté, associées à la force violente, tels semblent les recours de l'abuseur jouisseur d'enfants et de mineurs. Il faut reconnaître que dans nos sociétés, l'enfant est en danger et à protéger. 
Le Sénat, préparant des directives de protection des mineurs suite aux révélations de la presse et pas seulement, a créé une Commission qui

 


consulte tous les acteurs éducatifs . Mais bien des penseurs avaient pris la question en main :  Marie-Jo Thiel, L'Eglise catholique face aux abus sexuels sur mineurs, médecin, professeur d'éthique et théologienne, livre salué comme une somme ; Véronique Margron, des responsabilités éducatives et juridiques, et autres, religieuse dominicaine, sans concession, ferme, loyale, avec Un moment de vérité ; Anne Philibert historienne, une ancienne de Normale Sup St Cloud, travail magnifique, de réflexion et de plongée courageuse dans les archives, Des prêtres et des scandales. Ces trois études denses – menées par des femmes remarquons-le -  nous portent à des distinctions comme entre pédophilie et éphébophilie pour la première, entre pédophilie et pédocriminalité pour les deux ; la troisième, mais les deux premières aussi déplacent le lieu du scandale. Où est le scandale ? Les actes eux-mêmes ? Oui, c'est certain. Le secret ? Le silence ? Scandale de ceux-ci. L'habit du scandale recouvre des décisions et des institutions diverses, des complicités, des mensonges, des lâchetés, dérobades, couardises, ladreries, goujateries, mufleries.
Où est donc le scandale ? En quels lieux  non pas sociaux, mais anthropologiques ? Le scandale se déplace, s'étend, ses ramifications font partie des faits premiers, et même les dénis conscients de leurs dénis. Une participation passive au scandale existe et devient complicité.
Lent et difficile accès au moment de vérité (V. Margron). Un scandale doit-il venir au grand jour où être caché, occulté ? La réponse à la question ne va pas de soi, elle devrait mobiliser le courage de la vérité ou parrêsia. Ce dont témoigne l'article très pesé, nuancé, du théologien catholique Hervé Legrand, spécialisé dans l'ecclésiologie.
Cependant, toutes ces études demanderaient d'être reprises, approfondies afin de réformer les défauts « systémiques » relevés par ces quatre penseurs, courageux et impartiaux, concernant les abus sexuels sur mineurs ou adultes fragiles er vulnérables dans l'Eglise Catholique.

Ces études aideront-elles à convaincre qu'une civilisation digne de ce nom ne doit ni idolâtrer l'enfant (pas d'enfant-roi) ni en faire un objet de plaisir ? Il est une personne, un sujet. Respect et dignité doivent lui être reconnus en tant que personne non-adulte, afin qu'il puisse grandir.
C'est là encore que se trouve le scandale, dans cette non-reconnaissance jusqu'à la maltraitance, l'asservissement ou même l'esclavage. Déni qui devient un délit,  acte criminel d'où le vrai qualificatif de « pédocriminalité ». Ne disons  pas seulement « scandale » là où des vies sont meurtries et dans « meurtries » il y a le mot mort. Une vie meurtrie est une vie qui va à la mort. Son relèvement ou blessure guérie inverse le mouvement de la mort vers la vie.

Victimes relevez-vous ! Les faunes séducteurs et les satyres libidineux ne sont pas sur la pierre ou dans les opéras (Debussy et son Prélude à l'Après-midi d'un faune). En chair et en os, de maîtrise des pulsions en maîtrise de soi, appelons sur eux leur regret, leur demande de pardon, vraie repentance qui leur redonnera aussi la vie. Car, il faut vivre, tous, sans crimes ou meurtres, fussent-ils psychiques, dans des relations non—mortifères, en confiance. Ensemble ! (Niokobokk en woloff)

                                                                 Marie-Danielle Grau

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